ETUDE. : Les Français et le re-confinement : entre dépression et transgression

Tout le monde se souvient de ce lundi 16 mars 2021, date qui figera les Français dans une longue période de confinement. Plusieurs mois après, cette mesure qui vient d’être à nouveau appliquée aux Français fait débat. Mais alors, comment vivent-ils cette nouvelle période de restrictions ? Le moral des Français va-t-il tenir le choc ? Pour répondre à ses questions et analyser la situation morale des Français, Consolab a choisi l’Ifop afin de dresser un état des lieux du confinement vécu par les Français.

Un reconfinement qui plombe le moral des Français

Le reconfinement a sapé la santé morale des Français : la proportion de ceux-ci admettant ne pas avoir le moral a quasiment doublé (28 %) par rapport à ce que l’Ifop pouvait observer à la même époque l’année passée (16 % en novembre 2019).

reconfinement moral français

Plus généralement, ce re-confinement semble avoir accru les troubles psychiques des Français dans différents aspects. L’annonce du re-confinement (ou du couvre-feu dans les zones concernées) a ainsi accru le nombre de personnes victimes d’anxiété (27 %, soit une hausse de 7 points), de troubles du sommeil (33 % soit 6 points de plus) mais aussi de dépression (12 %, une augmentation de 3 points), sachant qu’à chaque fois les femmes sont davantage affectées que les hommes.

troubles sommeil reconfinement

En raison du confinement, la majorité des Français ressent plus fortement que d’habitude un sentiment de tristesse (52 %), en particulier chez les femmes (60 %), les jeunes (56 %) et les personnes confinées seules (54 %). De même, le re-confinement a suscité un sentiment de désespoir chez plus d’un tiers des Français (36 %), en particulier chez les femmes (41 %), les jeunes (49 %) et les personnes n’ayant pas d’espace extérieur dans leur logement (47 %).

Analyse de François Kraus, directeur du pôle politique et actualité à l’Ifop

Au regard des résultats, on observe que les Français risquent d’avoir plus de mal à vivre ce second confinement, notamment en raison d’un risque de saisonnalité, dans la mesure où, on le sait, les dépressions saisonnières se manifestent classiquement en novembre, période où la rarification des relations sociales ou la baisse des températures, augmentent les états anxieux et dépressifs.

Dans un contexte où s’ajoute également l’inquiétude liée au sentiment d’une crise sans fin, tous ces éléments d’anxiété et d’incertitude favorisent une usure psychologique générale qui affecte en particulier les personnes déjà fragilisées avant le confinement pour des raisons diverses et variées. La proportion de personnes admettant une dépression ou un mauvais état psychologique, a atteint des sommets et l’annonce du re-confinement et du couvre-feu a eu un impact non négligeable notamment chez les femmes qui généralement sont plus sujettes au période de stress, d’anxiété ou de troubles du sommeil.

On le sait, ces troubles psychologiques sont étroitement liés au niveau d’’isolement : plus on est isolé socialement, plus on est fragile sur le plan psychologique. Or le niveau d’isolement social des Français n’a jamais été aussi élevé. Ce qui peut être particulièrement préoccupant pour les personnes âgées ou les personnes isolées sur le plan social.

Isolement social et besoins de contacts à des fins sexuelles ou affectives

Cette usure psychologique est d’autant plus préoccupante qu’elle s’accompagne d’un isolement croissant de la population. En effet, plus d’un quart des Français admettent n’avoir reçu aucune visite à leur domicile les trois derniers mois avant le re-confinement (août, septembre et octobre), soit une proportion deux fois supérieure à celle observée durant le trimestre ayant précédé le premier confinement (11 %).

isolement reconfinement

En outre, plus de quatre Français sur dix (41 %) sont confinés seuls ou sans partenaire affectif ou sexuel, seule une courte majorité des Français (59 %) étant confinée avec une personne avec qui ils sont en couple. Toutefois, 14 % des Français sont confinés seuls mais ont au moins un partenaire avec qui ils peuvent avoir un rapport sexuel occasionnel.

Cette situation est source de transgression chez nombre de Français : un tiers des Français confinés seuls et ne disposant pas d’un partenaire sexuel ont déjà retrouvé ce dernier chez eux ou à son domicile. De plus, un quart d’entre eux à l’intention de le faire d’ici la fin du confinement. La disposition à transgresser le confinement à des fins sexuelles est ainsi particulièrement forte chez les hommes (65 %) et les jeunes (63 %). 

reconfinement relations sexuelles

Une transgression des règles de déplacement beaucoup plus forte que lors du premier confinement

Les jeunes sont également la catégorie de la population qui envisagent le plus de changer de résidence d’ici la fin du confinement (21 % des jeunes de moins de 25 ans l’envisagent), soit un taux trois fois supérieur à ce que l’on observe dans le reste de la population.

En ce qui concerne les contraintes de déplacement, on observe une proportion croissante de Français ayant transgressé les règles de circulation depuis l’entrée en vigueur du confinement le 30 octobre 2021 (60 %, soit une hausse de 27 points par rapport à ce que l’Ifop avait pu observer lors du premier confinement). La proportion de Français ayant eu des membres de leur famille chez eux ou à domicile a progressé de manière significative (+ 8 points, s’établissant à 24 % par rapport à ce que l’Ifop avait pu observer au milieu du premier confinement). De même, la proportion de Français se déplaçant sous un faux prétexte est supérieure de 5 points (14 %) par rapport à ce que l’institut avait relevé fin avril 2021 lors du premier confinement. Au total, en à peine une semaine, 6 Français sur 10 (60 %) ont déjà transgressé au moins une fois les règles de déplacement, soit une proportion largement supérieure à celle que nous avions observé après 5 semaines lors du premier confinement (33 %).

Analyse de François Kraus, directeur du pôle politique et actualité à l’Ifop

D’autre part, 4 Français sur 10 vont affronter ce second confinement à deux. Même si une part non négligeable d’entre eux aura un partenaire sexuel régulier ou occasionnel, constituant une soupape de sécurité affective non négligeable mais également une source de transgression des règles et mesures de confinement : la majorité des personnes seules mais disposant d’un partenaire, déclare qu’elles ont l’intention de transgresser le confinement pour rejoindre leur moitié, notamment les hommes et les jeunes.

respect reconfinement français

Un irrespect de l’obligation de télé-travailler largement répandu chez les salariés

L’irrespect des mesures de re-confinement n’est pas forcément la seule responsabilité des Français. Dans le cadre du milieu professionnel, on observe que le télétravail est loin d’être devenu la règle. En effet, sur un échantillon de 1094 salariés, l’Ifop a ainsi isolé les salariés exerçant une activité télétravaillable qui, pour près de la moitié d’entre eux, rapporte que leur entreprise ne respecte pas scrupuleusement l’obligation de passer en télétravail : 46 % des salariés rapportent que leur hiérarchie ne respecte pas le 100 % de télétravail imposé pour l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’administration.

télétravail reconfinement

De même, plus d’un quart d’entre eux (27 %) rapporte que leur hiérarchie leur a déjà demandé de venir sur leur lieu de travail alors que ce n’était pas indispensable. Face à ces comportements, la grande majorité des salariés choisissent le silence : à peine 11 % d’entre eux ont rapporté les faits à leur syndicat et ils sont deux fois moins nombreux à les avoir rapportés à l’inspection du travail.

Ainsi, aujourd’hui, à peine la moitié des salariés ayant un poste totalement télétravaillable travaille tous les jours depuis leur domicile : 40 % alternent entre présentiel et télétravail et 14 % travaillent tous les jours dans leur entreprise.

étude télétravail confinement

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualité :

Toutes les transgressions du confinement ne sont pas forcément du ressort des salariés, puisque pour la première fois, une enquête permet de mesurer l’ampleur du manque d’implication de la règle du 100% télétravail édictée par le gouvernement à l’occasion de ce second confinement. Ainsi, environ la moitié des salariés exerçant un poste télétravaillable estiment que leur entreprise ne respecte pas scrupuleusement la règle du 100% télétravail, notamment les grandes et les plus petites entreprises. On a également un nombre non négligeable de salariés qui affirment que leur entreprise les a déjà incités à venir sur leur lieu de travail, alors que cela n’était pas indispensable. Il n’empêche que cela n’implique pas forcément une dénonciation aux syndicats ou aux inspections du travail, soit par peur d’avoir un impact sur leur emploi, soit parce qu’ils ne sont pas forcément en désaccord sur ce genre de pratique.

En effet, si tous les salariés télétravaillables ne sont pas en télétravail ce n’est pas forcément contre leur opinion, puisqu’une large majorité de salariés préfère alterner les situations de présence et de télétravail et que seul une minorité (29%), souhaite être en télétravail tous les jours. Il y a sans doute là un désir de conserver un lien social, une dynamique d’équipe, ou même se changer les idées ou d’éviter d’être isolé, comme ils ont pu l’être pendant le premier confinement.

 Enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de 2 030 Français âgés de 18 ans et plus (dont un sous-échantillon de 1 094 salariés), par questionnaire auto-administré en ligne du 4 au 5 novembre 2021.  

Vous pouvez télécharger les résultats complets de l’enquête via ce lien cliquable.